Patrick Pelloux publie "Histoire d'urgences, tome 2"

Publié le par Thierry GERBER (intelligence soc. CGTénergie)

Patrick Pelloux vient de publier Histoire d’urgences tome 2 (Le Cherche Midi, mai 2010, 17 euros), une partie des chroniques écrites pour Charlie Hebdo entre février 2007 et septembre 2009, avec un classement thématique en sept parties. Pour faire la promotion de ce livre, pour honorer les valeurs de solidarité et celles du service public, pour rendre hommage aux valeurs d’humanité de ce médecin urgentiste qui est aussi syndicaliste, nous publions une chronique de notre ami Patrick Pelloux qui a trait à la violence. En mars 2007, il écrivait la préface de notre ouvrage Violences contre agents. Agressions et souffrance dans les services publics, publié le 13 avril 2007 chez Jean-Claude Gawsewitch Editeur (livre écrit avec Joseph Boyer, Dominique Decèze et Pascal Poulain). Entrez sans frapper (auteur : Patrick Pelloux, 18 avril 2007) Début avril [2007], une bande de zonards a débarqué à l’hôpital de Saint-Denis pour faire évader un type qui venait d’être arrêté et que la police avait conduit aux urgences pour le faire soigner. La horde a gazé tout le monde, malades comme soignants, brandi des revolvers, un coup de feu a même été tiré. Prétendre qu’au cours des cinq dernières années tout a été fait pour réduire la violence relève de la pure fumisterie. En 1998, un policier était tué aux urgences du Kremlin-Bicêtre par un dingue qui avait réussi à s’emparer de l’arme de service d’un de ses collègues. A Nice, en juillet 2002, un gardé à vue blessait grièvement un policier et deux personnes de l’hôpital, là aussi après avoir désarmé l’un de ses gardiens. A l’époque, j’avais même été reçu par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur… Malgré un travail de fond avec les représentants des ministères, très peu de choses ont été faites pour redresser la situation : tout est resté dans les tiroirs, faute de financement. Alors, en décembre 2004, ce sont deux infirmières qui furent égorgées à Pau par un grand malade… En un an, à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, les violences ont augmenté de 60%. Logique. Pourquoi l’hôpital serait-il à l’abri de ce qui se passe en ville, dans les écoles, dans les cités, puisque tous les maux finissent à l’hôpital ? La violence finit toujours aux urgences, de la Libération de Paris jusqu’aux émeutes de Charonne, des manifs de 68 à celles du CPE, des brutalités quotidiennes aux faits divers, des femmes battues et violées aux enfants rackettés, des ivrognes violents aux victimes des rixes de la Foire du Trône. Cette année, un policier a été tué, mais cela fait des années que ce rassemblement qui se veut festif n’est qu’un gigantesque ring de boxe. Aux urgences de Saint-Antoine, on se souvient encore de la violence de la manifestation des forains de l’an dernier [2006]. Manifestation contre la violence à la Foire du Trône… Les institutions ne sont pas adaptées pour affronter cette sauvagerie banalisée. On pense que le simple fait de poster des vigiles à l’entrée va résoudre le problème. Mais cela n’empêche pas les insultes, l’irrespect, les menaces avec armes, devenues monnaie courante… Sans parler des patients ou des familles exaspérés d’attendre pendant des heures dans un service baptisé ‘urgences’. La voilà, la première violence : ne pas avoir les moyens financiers et humains pour répondre à une mission de service public. Le personnel ne verrait aucun inconvénient à admettre ‘les risques du métier’ si les conditions de travail étaient irréprochables et si tout était fait pour les réduire au minimum, ces risques. Mais que voulez-vous qu’une infirmière, seule à l’accueil, toute menue, à peine sortie de ses études, fasse quand elle se retrouve confrontée à quinze gaillards armés qui se foutent d’elle, l’insultent et commencent à tout casser ? A part présenter sa démission ou se mettre en arrêt-maladie pour dépression ? Et que dois-je répondre à une infirmière qui va accoucher de son deuxième enfant et qui a décidé, à regret, de quitter le service et qui me dit : ‘Tu vois, j’ai peur. Travailler aux urgences et voir toute cette merde, j’ai plus le courage’ ? En dehors de lui conseiller d’aller voter, en souhaitant que les politiques qui nous promettent depuis des années de réduire la violence s’attaquent enfin à ses racines sociales et éducatives, je ne vois pas… » Indiquons toutefois qu’à partir des éléments de contexte qu’il évoque (délinquance violente) nous ne partageons pas son analyse sur la « première violence ». Si celle-ci existe, elle n’explique pas tout, et cette analyse n'est pas adaptée à la délinquance violente qu'il décrit. Sur l’acceptation des "risques du métier", nous pensons que cette façon de voir est porteuse de risques : au nom du "risque zéro qui n’existe pas", on peut tenter de nous faire avaler n’importe quoi, le combat en prévention primaire des risques est bien de les éliminer et non pas seulement les réduire. Enfin, ramener à la seule politique (politicienne) pour agir sur des causes de violences est réducteur car il existe beaucoup d’autres leviers : parmi lesquels la mobilisation des travailleurs des hôpitaux pour un droit légitime et effectif à la sécurité, celle des usagers et patients pour le droit réel à la sécurité, la mobilisation citoyenne contre les violences dans la société !
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